Carte blanche publiée le 29 avril 2020 sur le site du Guide Social.
Texte de la carte blanche :
Depuis 2017, Droit à un Toit – Recht op een Dak et toutes les associations, citoyen.ne.s et professionnel.le.s du secteur du sans-abrisme, du logement, de la lutte contre la pauvreté et de l’éducation permanente qui composent ce collectif demandent la mise en place d’une politique intégrée et ambitieuse de lutte contre le sans-abrisme.
Le manque catastrophique de logements abordables et accessibles et l’absence d’une politique de prévention effective mènent et maintiennent chaque année des milliers de personnes à la rue. La crise du COVID-19 met en exergue ce que nous savions déjà : le logement est un droit fondamental. Une atteinte à ce droit est une atteinte à la dignité humaine et une atteinte à la vie.
S’il fallait un argument de plus pour convaincre nos responsables politiques de cette évidence, nous voilà servis. Un virus oblige la population entière à se confiner chez soi, question de vie ou de mort. Et pourtant, un mois plus tard, peu est mis en place structurellement pour confiner les plus vulnérables d’entre nous, ceux et celles exposé.e.s non seulement à l’espace public où se propage ce virus, mais également au manque d’accès aux soins, d’accès à la nourriture, d’accès à l’hygiène, d’accès au sommeil.
Des initiatives isolées ont vu le jour au compte-goutte, à coup d’initiatives individuelles, de bon-vouloir et de bénévoles… quelques hôtels ouvrent par-ci par-là, des volontaires cousent des masques en tissu, d’autres distribuent de la nourriture ou du matériel de soin de santé dont manquent cruellement les structures d’aide aux personnes précarisées. On peut s’émouvoir devant un tel accès de solidarité, mais aussi s’indigner devant une telle absence d’initiative publique, structurelle, subsidiée. Tous les hôtels sont vides, ils doivent être réquisitionnés en nombre suffisant pour mettre tout le monde, sans exception, à l’abri. Aucun argument “Nous n’avons pas les moyens” ne tient en cette période exceptionnelle. “Nous n’avons pas envie”, alors ? Une absence de mesures fortes pourrait laisser penser qu’il s’agit d’un manque de volonté. Et ça, c’est inquiétant.
Les expulsions s’annoncent déjà en masse
Parce que si l’urgence se fait encore plus urgente aujourd’hui, c’est pour en finir avec cette urgence que nous nous battons. Nous demandons que toutes et tous, sans exception, soient mis.es à l’abri dès maintenant jusqu’à la fin du confinement, mais nos revendications d’aujourd’hui vont de pair avec celles d’hier et de demain : garantir l’accès au logement abordable et accessible à tou.te.s (1), privilégier une politique de relogement plutôt qu’une gestion de l’urgence (2), privilégier la prévention de la précarisation et du sans-abrisme (3).
Les expulsions s’annoncent déjà en masse avec la crise économique qui suivra cette crise sanitaire. Nous demandons un moratoire illimité sur les expulsions sans solution de relogement, un encadrement des loyers, des mesures fortes pour garantir l’accès au logement abordable, salubre, public. Nous demandons que chaque personne hébergée dans un dispositif d’urgence durant cette crise soit relogée durablement par la suite. Nous demandons une solution pour les personnes sans-papiers, pour qui l’accès à un logement décent et abordable est encore plus compliqué, et soutenons la revendication d’une régularisation massive des sans-papiers, et la pétition de la plateforme Action Logement BXL – www.actionlogementbxl.org. Comme la santé, le logement doit se trouver hors de la sphère économique et spéculative, un droit fondamental à garantir pour toutes et tous, quelles qu’en soient les moyens. La fin du sans-abrisme est possible. C’est un choix politique.
Nous nous inquiétons donc du rapport de force défavorable au secteur social dans le groupe “Déconfinement”. En effet, parmi les “experts”, seule Céline Nieuwenhuys, secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux, le représente. Une place prépondérante dans la réflexion sur le déconfinement est accordée au secteur bancaire, à celui de la finance et aux économistes. Secteurs qui ne sauraient exister sans la santé et le social au sens large, secteurs dont la propension à défendre les services publics ne s’est guère exprimée par le passé et qui a placé nos services de santé dans la situation dramatique que nous connaissons. Cela signifie-t-il que notre gouvernement accordera plus d’attention à la sauvegarde du commerce, des banques, plutôt qu’aux services publics, aux soins de santé, au secteur social et culturel ? Si tel est le message, alors nous ne pouvons qu’annoncer que nous serons de plus en plus nombreux.ses à manifester notre mécontentement et réclamer avec détermination un respect des droits fondamentaux pour tou.te.s
Droit à un Toit – Recht op een Dak
Savoir plus :
1- Garantir l’accès au logement abordable et accessible à tou.te.s : Construire massivement des logements sociaux publics et contraindre les communes bruxelloises à atteindre l’objectif de 15% de logements publics sociaux sur leur territoire, encadrer les loyers, utiliser le droit de gestion publique des bâtiments inoccupés, décourager fiscalement et financièrement la spéculation immobilière, lutter efficacement contre le discriminations dans l’accès au logement, rendre accessible les logements publics et subsidiés pour tous, y compris pour les personnes sans-papiers. En bref, répondre enfin aux besoins de la population bruxelloise en matière de logement : construire du logement abordable et de taille adéquate pour les familles nombreuses.
2- Privilégier une politique de relogement plutôt qu’une gestion de l’urgence : Renforcer des dispositifs comme le Housing First, renforcer les plateformes de captation de logement, faciliter l’accès au logement social pour les personnes sans-abri et mal-logées, renforcer les services d’accompagnement.
3- Privilégier la prévention de la précarisation et du sans-abrisme : Ne pas procéder à des expulsions sans solution de relogement, contrôler la salubrité des logements et poursuivre les infractions des bailleurs, abroger totalement la loi anti-squats, faciliter les démarches administratives et l’accès à l’aide sociale afin d’éviter un engrenage négatif.